Louis Lechevretel, de l’ombre à la lumière

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À 20 ans, le tennisman français participe à son premier Master’U. Magnifique perdant au terme d’un double mixte qui a éliminé la France vendredi en quart de finale, l’Antonien garde néanmoins le sourire : il le sait, il revient de loin.

 

Au milieu des visiteurs et des organisateurs, impossible de manquer l’inscription « France » dans le dos de sa carrure impressionnante. Louis Lechevretel est là, accoudé à une table, dans l’entrée du complexe. Le jogging est bien ajusté, les traits du visage sont tirés. Éreinté après ses deux performances homériques de la veille ? Pas tout à fait. « Physiquement, ça va. C’est dur mentalement, au bout du compte, confie-t-il. Je ressens de la fatigue et, vu qu’il y a de la crispation dans les tournois, tu as forcément quelques courbatures. »

L’élimination en quart de finale, dès vendredi soir, est certainement en tête. Qu’importe, son sourire semble intemporel. Le gaillard ne s’attarde pas sur une défaite : « Je suis surtout content d’avoir joué sous une ambiance de dingue et d’avoir profité de ce moment. » Une déclaration étonnante venant d’un jeune homme de 20 ans, mais loin d’être le fruit d’une lassitude patente. Non, Louis est surtout heureux d’être de retour sur les courts. Une longue absence, de « fin février à début septembre », la faute à une maladie. La nature du mal ? Le sportif balaie le sujet d’un revers de la main  : « Je ne veux pas trop m’étendre sur cet épisode. Je n’ai pas envie d’en faire des tonnes là-dessus, je suis là pour jouer au tennis » expédie-t-il, toujours avec le sourire.

 

Sport et études font bon ménage

 

Durant cette période de convalescence, la perspective d’arrêter sa carrière ne lui a jamais traversé l’esprit : « Je relativise très vite. Il faut dire que je suis très bien entouré, que ce soit par mes parents ou mon coach. » Impossible pour lui de raccrocher alors que sa vie rime avec tennis. Impossible, surtout, de changer un quotidien rythmé depuis plus de seize ans. « Je joue à l’US Wissous depuis mes 4 ans, toujours avec le même entraîneur, Achraf Okasha », détaille le tennisman. Il suffit de le regarder droit dans les yeux pour comprendre la passion qui l’habite. S’il concède que son BTS Commerce International commencé au lycée Joliot Curie n’est entrepris que « par sécurité », il ne manque pas de rappeler son sérieux : « Je fais ça à distance et tout se passe bien. Ma priorité reste le tennis mais j’essaye de suivre les études en même temps. Allier mes études et ma carrière, c’est une question de motivation. »

C’est d’ailleurs lors d’une période charnière de sa scolarité, la terminale, que Louis Lechevretel tire une conclusion décisive : « L’année du bac, j’étais niveau 0 et physiquement très limité. Je sentais que je devais travailler mon physique pour progresser. J’ai profité de l’occasion pour y remédier, comme je ne pouvais pas trop bouger à cause des examens. J’ai fait six mois de préparation et je jouais deux à trois fois par semaine. Je ne faisais que du physique à côté, deux fois par jour. À mon retour et dès mon premier tournoi, j’ai battu des -2, des -4 et j’ai tenu tête durant trois sets à un -15. » Bien lui en a pris : son bac en poche, il pouvait alors célébrer sa progression à -4. Comme quoi, loin d’être inconciliables, le sport et les études peuvent être à l’origine d’un tournant.

 

Des tournants déterminants

 

Ce sont des décisions de ce genre qui lui permettent d’honorer sa première sélection avec la France, à l’occasion du Master’U ce week-end. Un moment fort et spécial pour lui, à plus d’un titre : « Vendredi, c’était tout simplement mon retour sur les courts. J’ai repris l’entraînement en septembre et je me sens à 100% aujourd’hui. » Son quotidien, avant sa maladie, était alors le Circuit National des Grands Tournois (CNGT), à Hazebrouck par exemple, et les tournois Futures en Turquie ou encore en Croatie. Au moment de la proposition de Cyrille Monet, co-capitaine de l’équipe pour la fédération française du sport universitaire, Louis n’hésite pas une seconde : « Cyrille a contacté mon entraîneur. Je lui ai dit que j’étais intéressé et que je me sentais prêt. J’avais prévu de reprendre à Montluçon la semaine d’après mais le timing était parfait. C’est une expérience vraiment sympa. » Alors, certes, sa longue convalescence l’a fait chuté dans son classement, passant de -15 à -4 et le faisant reculer à la 1446ème place à l’ATP. Certes, il ne doit sa présence ce week-end qu’à la défection de deux joueurs et Cyrille Monnet lui a révélé qu’il ne jouerait sans doute que des doubles. Mais dans une compétition pareille, chaque occasion de prouver sa valeur doit être saisie. Et Louis Lechevretel n’a pas tardé.

 

Des épreuves et des apprentissages

 

« La cause du succès ou de l’échec relève beaucoup plus d’une attitude mentale que d’une capacité mentale » écrivait le poète écossais Walter Scott. C’est ce qui a fait la différence chez le tennisman français : le mental. « Ma maladie m’a considérablement endurci mentalement » admet-il. Et une fois son premier double terminé, lorsque les capitaines de l’équipe font appel à lui pour l’ultime rencontre face à la Grande-Bretagne, le Francilien prend ses responsabilités : « Je m’en sentais capable. Si je n’étais pas là pour l’équipe, je serais resté à la maison. Je savais que j’étais prêt à rejouer des matchs importants. Il y avait beaucoup de pression et le manque de compétition m’a fait commettre quelques erreurs. J’ai eu un manque de lucidité. Reprendre sous le maillot de la France dans des conditions pareilles, avec l’ambiance, c’était une expérience incroyable. Malheureusement, ça s’est joué à quelques détails. » Quelques détails, donc, qui privent la France d’une revanche espérée contre les Américains.

L’Antonien a eu une révélation : « D’habitude, je ne suis pas super à l’aise en double. Vendredi, le contexte nous a poussé. Je sens qu’il faut que je le travaille. Ça m’apportera en simple et ça me permettra de jouer sur les deux tableaux contre de très bons joueurs. Puis financièrement, même si ce n’est pas énorme, c’est très intéressant. Quand tu pars disputer des tournois à l’étranger, tu comptes toutes les dépenses. C’est pourquoi j’ai créé un projet crownfunding. (voir l’article sur le site, Le crowdfunding, aussi mécène du sport universitaire) » De cette magnifique défaite, il en sort une nouvelle fois grandi.

 

Le regard est toujours vif, le sourire toujours aux lèvres. Rien ne le perturbe. Pas même l’horizon qui se profile. Il embraye sur le programme des semaines, des mois, des années à venir : « Je repars exactement sur les mêmes objectifs que l’an dernier, c’est à dire être dans les 800 à l’ATP et un numéro français. J’avais commencé sérieusement les Futures et pris mon premier point ATP en Turquie. J’espère effectuer une bonne reprise jusqu’à mi-janvier en France histoire de retrouver mes repères, refaire des matchs tranquillement, sans pression. Dans deux ans, si je joue bien, j’aimerais commencer les Challengers. Ça dépend vraiment de ma progression. » Il en est sûr, le Master’U peut lancer sa saison. Dans un week-end de compétition, où la France joue ce dimanche la cinquième place du tournoi contre la Belgique, il y a des motifs de satisfaction et des confirmations. Au milieu des espoirs universitaires mondiaux et sous le regard des spectateurs, impossible de le manquer : Louis Lechevretel était dans la lumière.

 

Jérémie Bernigole